La friche : passer de l’intention à la réalisation

Notre article précédant « La friche : Comment construire des scénarii de re-développement ? » exposait les enjeux liés à la revalorisation des friches et aux méthodologies permettant de construire des scénarios de remise en marché.

Ce nouvel article précise comment déployer le scénario choisi et traiter la friche.

La première phase du travail aura permis de préciser le contour de projet sur la base des approches suivantes :

  • diagnostic technique du site
  • analyse de la situation réglementaire du site et de ses abords
  • analyse de marché prospective et ciblage des positionnements envisageables
  • définition de scénarios
  • transcription du ou des scénarios en programmes d’aménagement
  • analyse de la faisabilité juridique et financière du/ des scénarios

Au terme de ce travail et à l’appui d’éléments d’aide à la décision précis (scénarios comparés), les élus seront en mesure de faire un choix stratégique et de construire une politique d’intervention opérationnelle intégrant sur la base de :

  • Déclinaison de projet
  • Outils réglementaires
  • Partenariats financier

A. La déclinaison opérationnelle du projet

Au démarrage de la phase opérationnelle, il s’agira d’élaborer un plan directeur ainsi qu’un bilan technique, juridique et financier détaillé. En effet, le scénario retenu doit être approfondi sous la forme d’un plan d’aménagement d’ensemble, accompagné d’un plan d’action à court, moyen et long terme.

La taille et l’échelle du site, les contraintes structurelles et/ou patrimoniales nécessitent fréquemment d’intégrer des modalités de phasage. Il est alors nécessaire de préciser quelles doivent être les interventions prioritaires à engager au regard des enjeux économiques, sociaux, urbains, paysagers, en lien avec les marges de manœuvre financière.

Lors de cette phase de la démarche, il est souvent nécessaire de se rapprocher des partenaires envisagés sur le ou les projets, pour valider avec eux l’intérêt porté à l’opération, tester les hypothèses financières et apporter ainsi des correctifs ou des confirmations aux projections financières et aux hypothèses de montage élaborées dans la phase précédente.

Cette phase finale de l’action doit aboutir à une « feuille de route » à vocation opérationnelle permettant aux élus et aux services de disposer :

  • des éléments techniques et architecturaux, transcrits sous forme de plans d’aménagement ;
  • des recommandations sur les reconnaissances et études techniques complémentaires à mener en fonction des choix programmatiques. Ces études complémentaires permettront de pallier les incertitudes ou les principaux risques identifiés et de fiabiliser la faisabilité technique, les coûts et les délais ;
  • d’une solution juridique et financière pour l’aménagement, le financement, l’entretien et l’exploitation du site et/ou des projets déclinés dans le scénario retenu ;
  • d’un/des prébilans actualisé(s) d’aménagement de(s) l’opération(s) ;
  • d’un plan de trésorerie au titre de l’exploitation de l’équipement.

L’ensemble de la démarche pré opérationnelle de transformation et, in fine, de valorisation d’une friche résulte donc d’un processus itératif et collaboratif. Chaque étape est nécessaire pour assoir le projet et lui permettre d’être véritablement efficace quant aux objectifs de « redéfinition de l’espace », de « remise sur le marché » et de « réintégration dans l’espace de vie ».

Au final, le projet doit donc d’une part traduire une ambition forte pour le site (proposer de nouveaux usages dans un site marqué par l’histoire et par sa vocation antérieure n’est pas chose évidente et doit procéder d’une vraie ambition et d’un soutien sans faille de la part de l’ensemble des parties concernées) et d’autre part s’inscrire dans les réalités de marché (en termes de positionnement, de coûts de sortie, de produits immobiliers). A ce titre, la friche pourra trouver une seconde vie en s’inscrivant dans le territoire comme un nouveau support de développement.

B. Les outils réglementaires

La Collectivité peut s’appuyer sur des outils réglementaires pour reconquérir une friche, en particulier la ZAC et le PUP.

 

La ZAC : La Zone d’Aménagement Concertée est souvent privilégiée dans le cas des opérations complexes, notamment la requalification de friches, particulièrement quand il s’agit de grands sites. Elle est à la fois un outil financier, un outil de gouvernance et un levier de maîtrise foncière. En ce sens, elle permet de prendre en charge la friche dans son ensemble.

Pratiquement, elle résulte d’une initiative de la Collectivité et est conduite sur un périmètre précis et justifié (dans le dossier de création). Elle permet d’acquérir le foncier et les biens immobiliers (à des fins de démolition éventuelle et dépollution), de regrouper des parcelles, de mettre en œuvre des aménagements nouveaux et au final de vendre des parcelles viabilisées selon un cahier des charges qui répond aux ambitions d’un programme.

Le PUP, projet urbain partenarial : Le dispositif PUP crée en 2009 est utilisé également dans le cadre du traitement des friches. Il repose sur une initiative privée et revêt un enjeu et un intérêt communal.

Il s’agit d’un outil financier qui permet, en dehors d’une ZAC, l’apport de participations à des équipements publics rendus nécessaires par une opération de construction ou d’aménagement.

Pratiquement, le PUP assure un financement partenarial (public et privé) des opérations liées à la requalification d’un secteur (ou à l’urbanisation d’un quartier), dans le cadre d’une démarche qui reste privée mais intéresse la Collectivité (opération d’intérêt communal), généralement au titre des enjeux urbains et des perspectives de développement qu’elle offre.

Ex : la friche de l’Ilot Berliet à Lyon est traitée dans le cadre d’un PUP qui associe les propriétaires du site et la Ville de Lyon. Aux promoteurs/ investisseurs immobiliers (également propriétaire) incombe la construction des immeubles, à la Collectivité celle de l’aménagement des voiries.

Ce partenariat permet donc de reconquérir une friche et de porter près de 150 millions d’euros d’investissement visant la création de 635 logements pour 1500 habitants, des bureaux, un bowling, une crèche et un groupe scolaire…

 

C. Les opérateurs et partenaires

Les Collectivités s’appuient généralement sur des opérateurs publics spécialisés pour reconquérir leur friche.

En effet, le portage du foncier sur un temps souvent long ainsi que les dépollutions et préparation de terrain complexes à prendre en charge nécessite des ressources techniques et financières importantes dont les Collectivités ne disposent pas forcément.

Les opérateurs à noter sont notamment les Etablissement publics fonciers, les Etablissements Publics d’Aménagement et les Société d’Economie Mixte.

Les établissements publics fonciers ont été créés afin d’acquérir et de constituer des réserves foncières à partir de friches industrielles et de sites dégradés. Ce sont des établissements publics de l’État à caractère industriel et commercial (EPIC), créés par décret en Conseil d’État et dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Ces établissements sont habilités à procéder à toutes opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l’aménagement, et spécialement la reconversion des friches industrielles et de leurs abords.

Les EPF sont qualifiés pour mener des études, pour mener des opérations de maîtrise foncière à la demande des collectivités locales ou d’établissements publics, voire pour réaliser des opérations d’aménagement pour le compte d’autres organismes ou collectivités. Ils perçoivent des taxes qui leur permettent de financer les acquisitions foncières et immobilières.

Certains EPF sont portés directement par des Collectivités Territoriales (Agence Foncière) et sont alors des outils locaux structurels de la politique foncière (habitat, grands équipements, aménagements, déplacements…).

Ex : L’Epora, (Établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes) créé par décret le 14 octobre 1998 est l’un des 13 opérateurs fonciers d’État en France. Il intervient sur les départements de la Loire, de l’Ardèche et de la Drôme ainsi que sur 22 cantons du Rhône et 21 cantons du Nord-Isère et propose un accompagnement complet de la veille foncière à la revente ou intervient à des moments précis de la mise en œuvre du projet identifiés avec la collectivité. A noter, l’EPORA est particulièrement actif dans la requalification des friches industrielles.

Les établissements publics d’aménagement sont compétents pour réaliser, pour leur compte ou pour celui de l’État, d’une collectivité territoriale ou d’un autre établissement public, ou pour faire réaliser toutes les opérations foncières et opérations d’aménagement. Ce sont des établissements à caractère industriel et commercial qui sont dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Ils sont créés par décret en Conseil d’État, après avis des conseils généraux et des conseils municipaux concernés.

Ex : L’Établissement Public d’Aménagement de Saint Etienne est né en janvier 2007 d’un partenariat entre l’Etat et les collectivités locales (Ville de Saint-Etienne, Saint-Etienne Métropole, Conseil général de la Loire, Région Rhône-Alpes), pour accélérer le renouveau urbain de Saint-Etienne.

Il a disposé d’un budget de 255 M€ sur la période 2007-2014, dont 125 M€ de subventions publiques et sert le projet urbain de Saint-Etienne. Celui-ci fait partie des 12 Opérations D’Intérêt National Françaises.

Les sociétés d’économie mixte (SEM) sont des « entreprise des collectivités locales ». Elles fonctionnent en tant que société anonyme qui allie capital public (des collectivités locales) et privé.

En tant qu’opérateurs du renouvellement urbain, les SEM sont souvent amenées à traiter des friches. Elles interviennent généralement en tant que concessionnaire de l’aménagement d’un site (sur la base d’un contrat passé entre la Collectivité et la SEM) et conduisent l’ensemble des opérations, de l’acquisition des terrains à l’aménagement, à la commercialisation des produits fonciers et/ ou immobiliers.

 

Ex : La SEM Lyon Confluence, qui a vu le jour en 1999, pilote un projet urbain de réaménagement d’un site de 150 ha de friches dans un ancien quartier industriel. Deux ZAC ont été crées. La première a permis de réaliser un aménagement intégrant des programmes mixtes (420 000 m² SHON constructibles) et doit être close en 2016. La deuxième doit permettre de mettre en œuvre 28 000m² constructibles sur une surface de 35 ha.

 

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