La vacance commerciale des centres villes est souvent révélatrice d’un déficit d’attractivité global des villes
Il est beaucoup question dans l’actualité de la vacance commerciale des centres villes. La vacance commerciale atteint 11,1% ; elle augmente globalement d’année en année et touche tous les centres-villes à l’exception de ceux des très grandes villes (plus de 200 000 habitants). Les villes moyennes sont plus particulièrement touchées par la vacance commerciale avec des taux de vacance en moyenne plus élevés dans les villes de moins de 100 000 habitants.
La vacance commerciale est en réalité révélatrice d’un déficit d’attractivité global des centres villes des petites villes et des villes moyennes : déficit d’attractivité résidentielle, d’attractivité économique et d’attractivité commerciale. Et, au-delà de ces problématiques d’attractivité, la mort annoncée des centres-villes interroge sur la place de l’habitant dans la ville et sur les lieux où se créent du lien social entre les habitants.
Les collectivités territoriales font face à des problématiques « variées » sur ce sujet : un habitat vacant ou dégradé, des difficultés à attirer ou retenir les activités économiques, de la vacance commerciale importante…
Ces différentes problématiques peuvent avoir des causes nombreuses : un habitat inadapté aux souhaits des ménages, des cellules commerciales trop petites dans les centres anciens, des loyers trop élevés, une offre commerciale en décalage, une absence d’accessibilité des locaux, des locaux inadaptés pour accueillir des activités économiques, un urbanisme qui ne répond plus aux usages actuels, … La situation du territoire dans sa globalité peut aussi expliquer cette dévitalisation : démographie en berne, faible zone de chalandise, revenus bas de la population engendrant un faible pouvoir d’achat, mais également les politiques menées précédemment (ouverture de zones commerciales en périphérie qui concurrencent les centres par exemple).
Face aux difficultés rencontrées par les centres-villes, des dispositifs apportent des réponses globales.
L’appel à manifestation « redynamisation des centres-bourgs », lancé en 2014 par l’Etat, a permis de retenir 54 lauréats pour une aide pendant 6 ans, tant en matière d’ingénierie que de soutien opérationnel. La redynamisation est fondée sur de nombreux leviers : urbanisme et espaces publics, habitat, économie et commerce, animation des centres-bourgs, notamment culturelle…
En 2016, la Caisse des Dépôts lance le dispositif « Centres-villes de demain » expérimenté dans des villes moyennes dont les centres sont fragilisés. Ce dispositif d’accompagnement vise à traiter simultanément l’ensemble des problèmes qui se posent aux collectivités : les enjeux fonciers et immobiliers, les déplacements (mobilité, accessibilité, connexions…), l’habitat et le logement dégradés, les activités culturelles, touristiques, de loisirs, les services publics…
En 2018, le plan d’action Cœur de ville lancé par l’Etat avec le soutien de la Caisse des Dépôts, soutient 222 villes moyennes. Un certain nombre de mesures sont prises pour accompagner les centres-villes en matière d’activités économiques et de services et d’habitat, mais aussi de mobilité. Les opérations de revitalisation des territoires (ORT) sont créées ; elles permettent de définir un périmètre d’intervention sur la base d’un projet de territoire, dans une logique intégratrice de l’ensemble des thématiques à aborder en matière de revitalisation. Elles visent aussi à faciliter la coordination des financeurs (existence d’un comité des financeurs) et l’accès aux financements (guichet unique mis en place par le préfet dans le cadre d’une ORT). Ce nouvel outil devrait permettre d’inciter à des investissements dans le périmètre concerné.
En matière économique, la limitation du commerce de périphérie est réaffirmée, mais aussi l’incitation à la création de foncières dédiées aux commerces et activités. L’animation économique sera également soutenue (démarches de management de centre-ville, intégration du digital auprès des entreprises par le réseau des consulaires…).
Les Régions ont également leurs dispositifs de revitalisation. On peut citer le dispositif Revitalisation des Bourgs-centres de la Région Bourgogne Franche Comté, qui soutient les territoires qui s’engagent dans des actions permettant de « conserver le maillage des bourgs-centres, redynamiser les centres des pôles les plus en difficulté, créer les conditions d’accueil et de maintien des habitants et des activités, lier les différentes fonctions du bourg-centre pour favoriser les opérations incluses dans une stratégie avec une vision globale et à moyen terme, renouveler l’image des bourgs centres et redonner un avenir à ces centralités. »
L’ensemble des dispositifs met l’accent sur la nécessité d’un projet global pour les centres bourgs et centres-villes, intégrant toutes les thématiques précédemment citées pour renouveler l’attractivité des centres : urbanisme, habitat, patrimoine, commerce et activité économique, animation et vie culturelle, services publics, tourisme… C’est bien par la multiplicité des approches que le changement d’image peut s’amorcer et la dynamique se réenclencher. En ce sens, les opérations doivent ainsi être pensées collectivement, en cohérence, afin qu’elles puissent se renforcer mutuellement.
Il faut même concevoir ce projet en prenant en compte tout le territoire (y compris la périphérie de la commune concernée et l’échelle de l’intercommunalité) pour une véritable stratégie territoriale à la bonne échelle, qui s’inscrit en complémentarité avec les autres polarités existantes, avec un centre qui doit redevenir le cœur de l’attractivité du territoire. La place de l’intercommunalité reste donc centrale même s’il s’agit de revitalisation du centre d’une commune, d’autant plus qu’un grand nombre de compétences relèvent de ce niveau (développement économique, commerce et tourisme d’intérêt communautaire, habitat et urbanisme pour les intercommunalités au-delà d’un certain seuil – 10 000 ou 30 000 habitants selon la compétence).
L’enjeu : créer la ville / le village de demain !
L’enjeu des centres bourgs et centres villes consiste à s’adapter aux nouveaux usages des différentes parties prenantes utilisatrices de la ville, qu’il s’agisse des habitants, des commerçants et chefs d’entreprises, des touristes…
La redynamisation des centres villes et centres bourgs passera nécessairement par l’innovation, tant dans les nouveaux usages à intégrer que dans les modes de faire.
Plusieurs expérimentations et dispositifs sont en cours dans les territoires.
Le pays du Nivernais-Morvan mène depuis 2014 une réflexion prospective sur le « Village du futur », sous la forme d’un appel à candidatures auprès des communes et intercommunalités de son territoire. Issue de travaux de réflexion sur l’avenir des villages bourguignons, cette initiative mobilise l’ensemble des dimensions du développement territorial (économie, formation, agriculture, mobilité, santé, habitat …). La question de l’accès aux services se trouve intégrée dans une approche globale et innovante, adaptée aux contexte et enjeux de la ruralité.
En Bretagne, l’Etat, la Région, la Caisse des Dépôts et l’EPF de Bretagne se sont associés pour lancer un appel à candidatures « Dynamisme des centres villes et centres bourgs de Bretagne » en 2017. 208 projets ont été présentés et 60 projets de communes qui réinventent leur centre (ville ou bourg) ont été retenus. L’enjeu est de soutenir les communes qui innovent, pour s’adapter aux changements de mode de vie de leurs habitants et renforcer leur attractivité.
L’innovation, notamment sociétale, peut aussi venir de projets privés, à l’image de l’association Villages Vivants, dont l’objet est de contribuer à la revitalisation des centres-bourgs, par la mobilisation des habitants et acteurs de la ville, la création de solutions immobilières adaptées à des porteurs de projets et le soutien à des projets d’installation en centre-bourg. Villages Vivants accompagne ainsi toute la chaîne d’émergence d’une activité économique ou socioculturelle en centre-bourg, en facilitant l’engagement des habitants dans la revitalisation des centres-bourgs et en offrant des solutions concrètes pour les porteurs de projets. Villages Vivants se porte ainsi acquéreur de locaux afin que les porteurs de projets bénéficient de locaux de qualité à un prix permettant d’assurer le lancement de leur activité.
Références Argo&Siloe en lien :
Appui de Villages Vivants dans la définition de son modèle économique
Stratégie économique autour de la vannerie
Appuyer une commune rurale dans l’émergence de projets pour revitaliser le centre bourg