L’attractivité des quartiers prioritaires pour les projets d’immobilier d’entreprises : un potentiel qui n’est pas sans conditions

L’immobilier d’entreprises : levier incontournable du développement économique

Que l’on se situe dans ou en dehors des quartiers prioritaires, l’immobilier d’entreprises constitue un axe prépondérant de l’intervention économique des collectivités. Cependant, ce type d’opérations ne peut être conçu de façon précipité ou « hors sol » quand on sait que ses conditions de réussite résultent d’une conjonction de facteurs ; pèle mêle la localisation, le ciblage, le dimensionnement global du programme et la divisibilité des lots, etc.

En outre, une spécificité de l’implantation d’un immobilier à vocation économique au sein d’un territoire prioritaire va tenir justement à l’environnement de proximité du projet, à savoir le quartier lui-même et tout ce que cela induit en matière de représentations ou de vécus.

Le quartier ne doit alors pas être appréhendé comme un ensemble fonctionnant en vase clos. Il est en effet nécessaire de s’interroger en préalable sur sa place et son rôle dans la ville et dans l’agglomération. Il est également nécessaire de questionner le fonctionnement du quartier en lien avec son environnement de proximité : pôle économique ou commercial, pôle universitaire, espaces naturels, …

La question immobilière doit par ailleurs s’intégrer à une réflexion élargie en matière de programmation économique considérant que si elle peut constituer une solution nécessaire elle est rarement suffisante. Les questions de l’animation économique et de l’offre de services et d’accompagnement à l’échelle du quartier sont en effet deux thématiques souvent corolaires à celle de l’équipement et notamment lorsque celui-ci vise certaines catégories d’entreprises et d’activités.

Enfin, réfléchir aux solutions immobilières pour les entreprises c’est réfléchir à leur parcours résidentiel. La réflexion à mener ne doit donc pas porter sur un produit unique mais sur l’inscription de ce produit dans une chaîne immobilière plus complète qui n’a pas nécessairement vocation à se concentrer uniquement au sein du quartier.

Améliorer l’attractivité du quartier : quels enjeux ?

L’attractivité du quartier c’est entre autres choses sa capacité d’ouverture vers l’extérieur. L’un des enjeux évoqués ici est de faire venir des investisseurs afin qu’ils développent de nouveaux projets localement (habitat, immobilier économique, services de procimité, …), des entreprises afin qu’elles s’installent et proposent de nouvelles opportunités d’emploi dans le quartier, mais également des populations salariées afin qu’elles génèrent de nouveaux flux de consommation de proximité.

Mais l’ouverture ne l’oublions pas doit se faire à double sens. Elle doit donc aussi permettre aux entreprises locales d’accéder à de nouveaux marchés et à de nouvelles compétences qui se situent en dehors du quartier. Elle doit permettre aux populations résidentes d’accéder à davantage d’opportunités d’emplois, ainsi qu’à des équipements et des services à l’extérieur du territoire. Rentre alors en ligne de compte la question fondamentale de l’accessibilité, tous modes confondus, et de l’insertion urbaine du quartier au sein de l’agglomération. Il s’agit là de sujets à ne surtout pas éluder.

L’attractivité du quartier c’est aussi son image. Cela renvoie bien souvent aux idées reçues fondées ou non sur le quartier et plus particulièrement aux stigmates des tensions urbaines et sociales qu’on y observe (chômage, délinquance, disqualification urbaine, …). Mais cela doit également renvoyer à la fonction du quartier au sein de la programmation urbaine de l’agglomération ou a minima de la ville. En ce sens la construction d’une identité économique (ou intégrant une vocation économique) est un facteur de transformation de l’image du quartier et sauf exception elle ne se décrète pas.

Attractivité du quartier et immobilier d’entreprises : le paradoxe de l’œuf et de la poule

Adopter une stratégie de l’offre en développant une programmation immobilière pour faire levier sur l’attractivité économique du quartier : cette première hypothèse se pose fréquemment dans le contexte de rénovation urbaine et de recherche d’une mixité fonctionnelle. On peut résumer l’équation en disant que pour qu’il y ait de l’emploi il faut des entreprises et pour qu’il y ait des entreprises, il faut développer la capacité de les accueillir et/ou de les maintenir. A contrario, l’absence de possibilités de parcours résidentiel pourra constituer une motivation au départ du quartier.

Dans l’optique d’amorcer une requalification économique du quartier, le développement de solutions immobilières dédiées (orientées entrepreneuriat par exemple) pourra alors répondre à un premier niveau d’enjeux qui tient dans la volonté de catalyser et d’accélérer le développement endogène.
La seconde étape consistera ensuite à bâtir un parcours résidentiel cohérent pour ces mêmes activités via une diversification de l’offre. Ce faisant on sera en capacité de répondre progressivement à d’autres typologies de demandes, y compris des besoins initialement externes au quartier.

Mais l’attractivité du quartier doit aussi être perçue comme un préalable à l’implantation d’entreprises. On ne peut en effet démentir que si le quartier ne peut s’appuyer sur une certaine identité économique il aura des difficultés à attirer des investisseurs pour lancer de nouveaux programmes. La carence d’initiative privée, déjà répandue sur les offres orientés TPE et entrepreneurs pourra alors se vérifier également sur des opérations plus classiques (PME, professions libérales, grands comptes). Le volontarisme de la collectivité et de ses partenaires institutionnels pourra éventuellement tenter de compenser ce manque d’intérêt pour ce qui est du portage des opérations, cependant les risques demeureront en matière de commercialisation.

L’attractivité n’est pas une notion absolue

Bon nombre de quartiers disposent d’ores et déjà de puissants atouts à faire valoir pour attirer ou pérenniser des activités économiques en leur sein. Ils constituent de fait une situation qui peut intéresser les utilisateurs ou les investisseurs en recherche de bonnes localisations abordables.

> Voir un précédent article sur ce sujet : L’immobilier d’entreprises dans les quartiers prioritaires : réussir l’intégration des projets dans leur environnement

Mais ce potentiel intrinsèque n’est pas toujours suffisant et doit systématiquement être mis en perspective à l’échelle de l’agglomération pour juger de son poids effectif et de la pertinence de travailler cette destination. Aussi, on pourra dans certains cas se rendre compte qu’en dépit de ses atouts prometteurs le quartier n’a pas vocation à devenir une nouvelle polarité économique structurante de l’agglomération, sauf à risquer de fragiliser une autre polarité soumise par ailleurs à ses propres tensions. Dans ce cas de figure l’arbitrage sera nécessairement d’ordre politique.

L’attractivité n’est pas absolue non plus au sens où elle n’est pas sans conditions. Les opérateurs immobiliers susceptibles de porter des opérations économiques au sein du quartier ne poursuivent pas tous les mêmes objectifs. Chacun portera donc un regard différencié sur l’attractivité du quartier en fonction de ses propres critères et doctrines d’intervention.

Le bailleur social pourra ainsi intervenir dans une optique de diversification fonctionnelle et d’amélioration globale de la vie du quartier. La collectivité pourra quant à elle intervenir poursuivant des objectifs politiques tels que le maintien d’activités de proximité, la dynamisation de l’entrepreneuriat, la structuration du tissu local de l’ESS, etc. Enfin, un investisseur privé interviendra le plus souvent dans une optique financière, patrimoniale ou de valorisation foncière et recherchera une rentabilité nette de l’opération ce qui suppose une attractivité locative forte et/ou un risque moindre de dépréciation de son actif.

Enfin, l’attractivité du quartier n’est pas l’attractivité de la parcelle. Indépendamment des caractéristiques de l’opération immobilière elle-même (surfaces, prix, charges, performance énergétique, services, …), les « bons sites » doivent conjuguer plusieurs caractéristiques évoquées plus tôt telles que l’accessibilité tous modes confondus, la visibilité spontanée ou l’effet d’adresse qui participent à la reconnaissance en tant que spot économique.

Or toutes les parcelles du quartier ne conjuguent pas ces critères et toutes n’ont pas les mêmes atouts et ne font donc pas appel aux mêmes arguments au moment de la commercialisation. De fait, on va distinguer les parcelles en « porte d’entrée du quartier », orientées vers les axes de communication majeurs et visibles depuis ceux-ci, et d’autre part les parcelles en « cœur de quartier » davantage insérées (voire enclavées) dans le tissu résidentiel.
La commercialité de ces deux types de parcelles n’est clairement pas la même, notamment vis-à-vis d’entreprises extérieures, et va potentiellement impacter l’orientation du projet (accession ou location, cible TPE ou PME, positionnement prix, …) si l’on veut en assurer le succès.

L’attractivité des quartiers résultante de plusieurs variables

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En synthèse, on retiendra que l’attractivité et le succès des programmes immobiliers économiques dans les quartiers se situent à la croisée de 4 logiques qu’il convient de bien appréhender en amont.

  1. L’articulation du projet avec la stratégie de développement économique du territoire et les objectifs de celle-ci : à savoir la place et le rôle (la fonction économique) du quartier au sein du projet d’agglomération, la prise en compte éventuelle d’approches sectorielles et/ou territoriales, l’identification de segments de cibles spécifiques compte-tenu d’objectifs donnés (ex. soutien aux entrepreneurs), …
  2. L’intégration au sein des dynamiques urbaines de la ville et de l’agglomération : à savoir la recherche d’une mixité fonctionnelle du quartier, le respect des logiques de polarités (économiques et résidentielles notamment), la prise en compte des prérequis en matière d’infrastructures et d’équipements (transport/mobilité, services publics, …), le tissage de liens physiques et fonctionnels avec l’environnement de proximité, …
  3. L’analyse du marché de l’immobilier d’entreprises : une étude fine du niveau d’adéquation entre l’offre et de la demande à l’échelle de l’agglomération, la prise en compte des logiques de positionnement propres à chaque secteur de développement de l’offre, la connaissance approfondie des caractéristiques de la demande, la détermination d’un positionnement porteur et cohérent entre réponse endogène et exogène, …
  4. Le respect des logiques d’intervention des opérateurs immobiliers : stratégie d’investissement induisant une exigence de rentabilité, approche patrimoniale conditionnée à une valorisation durable du projet, poursuite d’objectifs « d’intérêt général » pouvant être conciliée avec la recherche d’un équilibre de l’opération, exploitation d’une opportunité foncière / immobilière, etc.