La question du devenir des friches est cruciale. En effet, outre l’impact négatif qu’elles produisent sur leur environnement direct (déqualification, dégradation des valeurs d’adresses, mauvaise image), elles privent les territoires d’espaces de développement souvent bien situés et de grande taille.
Aussi, dans un contexte marqué à la fois par une rareté foncière avérée dans de très nombreux territoires et par des logiques de rationalisation de la consommation de l’espace (maitriser la consommation des espaces agricoles, renouveler/ requalifier/ réutiliser plutôt que créer ex nihilo,…), il apparait primordial de produire à partir des friches des espaces d’opportunité nouveaux, autrement dit de leur offrir une seconde vie.
1. Les enjeux de la valorisation des friches
Une friche prend la forme d’un tènement foncier construit et généralement abandonné pour sa plus grande partie. Sa remise sur le marché ne peut pas se faire en l’état et nécessite l’élaboration d’un projet technique et marketing susceptible d’adapter et/ou d’utiliser au mieux les caractéristiques architecturales et fonctionnelles du site et d’identifier de nouveaux usages.
La construction de ce projet nécessite de réunir les conditions permettant de dégager le niveau de rentabilité requis, à partir notamment de conditions d’acquisition et de financement adaptées.
Pour ce faire, il convient de prendre en compte les situations particulières, sachant que les friches connaissent des réalités extrêmement diversifiées, notamment :
- en termes de surface : de quelques milliers de mètres carrés à des dizaines d’hectares
- en termes de propriété : la propriété privée ou publique entraîne des logiques de traitement différentes.
- en termes de pollution : les coûts de traitement/ préparation du terrain sont radicalement différents selon le niveau et le type de pollution présente.
- en termes de temps d’inactivité : lorsque la friche est ancienne, le projet s’élabore sur un temps long et doit prendre en compte le passé social, culturel et architectural et l’intégrer dans le projet ; lorsque la vacance est à venir (relocalisation d’une usine à venir par ex.) l’action doit être forte et rapide, pour permettre de limiter le temps d’inactivité sur le site et les phénomènes de dégradation du bâti qui pourraient impacter les coûts de transformation.
2. Reconquérir une friche
L’élaboration d’un projet réaliste de transformation et de valorisation d’un site nécessite, quelle que soit sa spécificité, la mise en œuvre d’une méthodologie qui croise les thématiques suivantes :
- l’analyse de la qualité intrinsèque du site : la fonctionnalité du bâti et du foncier, la qualité paysagère du site, l’intérêt architectural ou patrimonial, la divisibilité, les réseaux… ;
- l’environnement du site : accessibilité, proximité des services, localisation et interactions avec les quartiers contigus ;
- la dynamique du territoire et son positionnement par rapport aux territoires voisins, les besoins exprimés et mesurés : habitat, activités, services…, la complémentarité avec les territoires proches, les caractéristiques et les dynamiques du marché immobilier local.
Cette approche croisée induit la réunion de compétences distinctes, mais complémentaires :
- Techniques : pour l’analyse de la qualité du site, l’établissement d’un diagnostic pollution, l’évaluation des potentialités d’évolution et l’estimation des coûts ;
- Urbanistiques et architecturales : essentielles dans le cas d’un projet qui va impacter visiblement son environnement ;
- Marketing : pour évaluer la concordance produit/marché, l’insertion et le positionnement d’une nouvelle offre dans l’existant ;
- Développement local : connaissance du territoire et de son fonctionnement, des acteurs susceptibles de s’impliquer dans un/des projets ;
- Juridiques et financières : pour apporter un éclairage sur les conditions de portage et de gestion les plus adaptées, en fonction des enjeux financiers, en termes d’investissements comme d’exploitation.
3. La méthodologie d’intervention pour construire des scénarii
Le diagnostic technique du site : analyse de la situation et l’état général de l’emprise foncière et des bâtiments concernés. Sont évalués la qualité fonctionnelle des bâtiments, des accès, des réseaux et installations techniques et l’intérêt architectural et paysagé des édifices et espaces extérieurs, ainsi que les modes d’occupation le cas échéant. L’environnement du site et les connexions avec les secteurs voisins sont également analysés.
La situation réglementaire : analyse des contraintes réglementaires et identification des impacts qu’elles pourraient avoir sur l’opération (nécessité de révision de document, mesures compensatoires,…).
La demande et le marché : quantification et qualification de la demande, qu’il s’agisse d’immobilier d’entreprises, de logements, d’équipements. Dans ce cadre, il convient de procéder à une étude de marché complète intégrant une analyse concurrentielle.
Les résultats du diagnostic : ils identifient les contraintes et les possibilités qu’offrent le site, les types de demandes potentielles compatibles avec les caractéristiques du site et les projets d’implantation existants et repérés. Ils apportent également les éléments nécessaires à la confrontation et au rapprochement entre les ambitions que peuvent avoir le propriétaire et/ou la collectivité et la réalité du site et du marché. Elle aboutit à l’identification des premières pistes pour la transformation (technique et d’usage) du site, dans ses différentes composantes spatiales, et à l’évaluation de leur concordance avec les objectifs et les possibilités du territoire.
C’est de la qualité des résultats de cette phase que dépend la solidité des scénarios envisageables pour la valorisation, notamment sur les projections financières.
Les scénarios possibles : Il s’agit, en croisant les potentiels d’évolution du bâtiment avec les besoins repérés sur le territoire, d’identifier les axes possibles de reconversion en les recoupant avec plusieurs critères, entre autres : faisabilité technique ; enjeux pollution ; coût des travaux ; intégration dans le territoire ; positionnement par rapport aux sites concurrents ; potentiel de créations d’emplois ;…
Sur cette base, les axes de reconversion sont ensuite transcrits en termes de produits immobiliers et traduits en scénario.
La transcription du ou des scénarios en programmes d’aménagement : Le programme d’aménagement transcrit les différents attendus sur le site des partenaires engagés dans sa transformation ou son renouvellement. Il précise les surfaces des activités à accueillir, leur organisation fonctionnelle, les degrés de souplesse et d’évolution, afin de permettre une gestion durable du site.
Le programme permet à ce stade de la démarche de mesurer pour chaque scénario envisageable :
- la faisabilité technique sommaire : les principaux travaux à réaliser, l’insertion des bâtiments sur le site, notamment en terme de parkings, d’accès et de desserte, les points de vigilance relevés et qui nécessiteront d’autres études et audits ;
- les esquisses d’aménagement du site et des bâtiments (division, accès…) et l’orientation urbanistique et architecturale ;
- le chiffrage des travaux d’aménagement nécessaires (généralement dans cette phase de la démarche, ce chiffrage est réalisé à partir de ratios) ;
- le phasage du chantier d’aménagement lorsque cela s’avère nécessaire, en prenant en compte les différentes échelles de projets.
Faisabilité juridique et financière : les conditions de la faisabilité économique sous-projet par sous-projet sont étudiées à cette étape pour compléter le programme et solidifier le projet
Sur la base de l’approche des coûts d’aménagement déjà réalisée et d’une première approche du bilan global de l’opération, il s’agit, pour chaque scénario et donc chaque projet, d’élaborer une première mouture des montages juridiques et financiers envisageables :
Il convient pour ce faire de préciser les différentes solutions pour financer, construire et entretenir l’équipement et leurs incidences en matières opérationnelle, juridique, financière et fiscale, avec une mise en évidence des avantages et des inconvénients ;
Il convient également de caractériser les différents modes de gestion envisageables, pour les projets qui demeurent du ressort de la collectivité, les contrats de location, l’organisation de la cession totale ou partielle, le coût de la charge foncière, les modes de partenariat à définir pour les projets réalisés par des investisseurs privés.
À la fin de cette phase de travail, les contours des projets ont été définis. La collectivité et les élus doivent pouvoir à l’issue de cette phase, sur la base des éléments d’aide à la décision fournis, effectuer un choix stratégique et politique parmi les scénarios élaborés.
>>Argo&Siloe accompagne la conversion des friches. Voici un exemple d’accompagnement réalisé : Bourg-en-Bresse